— fire and rain.

Le son des quilles tombantes résonnaient dans toute la salle, en même temps que les boules roulant sur les diverses pistes. Aren, assis sur un de ces sièges en plastique peu agréables, regardait d'un air inattentif le jeu qui se déroulait devant lui. Pour tout dire, il était perdu dans ses pensées. Il songeait à toutes ces années qu'il avait perdu, à ce qu'il aurait pu gagner s'il avait seulement dit la vérité depuis le début. A cette actuelle soirée bowling entre amis comme ils aimaient tant les faire chaque vendredi soir, Aren n'avait toujours qu'un unique rôle dans la bande, celui du pote gay, celui à qui on confie tout car on sait qu'il viendra jamais envenimer une relation hétéro. Il commençait sincèrement à être désespéré par cette situation qui durait bientôt dix ans à présent et qui n'était partie que d'un simple et stupide malentendu. Si seulement sa meilleure amie avait pu être moins aveugle et comprendre que quand il avait dit que les filles ne l'intéressaient pas, Aren sous-entendait en réalité qu'une seule occupait son cœur et c'était elle. Non pas les hommes, comme elle s'était évertuée de prétendre avec une joie folle. Dans le fond, peut-être le fait d'avoir un meilleur gay lui plaisait, après tout elle avait ainsi la garantie il n'y aurait jamais d’ambiguïté entre eux, mais au grand malheur d'Aren qui voyait ses sentiments davantage bousillés à chaque fois qu'elle lui présentait un gars. Il sortit de ses songes en voyant Rena lever de son siège pour jouer à son tour. Depuis le premier jour où leurs regards s'étaient croisés, Aren était fou d'elle. Son sourire, ses mimiques, sa façon de le regarder. Le brun pouvait facilement mettre son attirance pour sa meilleure amie sous l'effet d'un coup de foudre, mais un coup de foudre qui n'avait vraisemblablement jamais été réciproque. Plus il l'observait, plus il aimait. L'étincelle dans sa poitrine qui ressentait pour Rena ne s'était jamais affaiblie depuis les années lycée. Étrangement, Aren n'avait jamais vu Rena avec beaucoup de garçons. Ils avaient toujours été tous deux célibataires. Non pas qu'il s'en réjouissait, mais il avait toujours trouvé curieux le fait qu'elle ne présente jamais ses petits-copains ni à lui, ni à ses amis ou même à sa famille. Le brun avait d'abord mis ça sur le coup de la pudeur, mais en y réfléchissant davantage peut-être qu'il y avait une autre raison. Et dans ces deux suppositions l'une lui redonnait un peu espoir et l'autre annonçait que Dieu le détestait définitivement : Soit Rena ressentait quelque chose pour lui ou alors elle aimait les filles. Une seconde perspective qui lui donnait envie de se fracasser la tête contre un mur. Dans un geste parfait et contrôlé, Rena fit un strike et s'en réjouit comme une gamine de treize ans. Sa meilleure avait toujours été douée pour le bowling, contrairement à Aren qui n'avait pour vocation que la photographie et la moto. Le reste n'était pas pour lui. Cette dernière le rejoignit sur le siège à côté et serra Aren dans ses bras, avec sa fameuse bouille de la victoire et son petit sourire moqueur :  « It does how many points ? fourteen victories for me and only one for you ? » Rena se mordit la lèvre innocemment comme elle le faisait souvent, alors que si seulement elle savait que c'était un geste qui donnait à Aren l'envie de l'embrasser fougueusement. « You have thirteen victories, not fourteen. Stop to cheat Rena. » Aren rigola légèrement de sa réponse. Elle avait véritablement quatorze victoires, mais il était foutrement mauvais perdant pour l'avouer. Rena prit un ton de plainte et regarda Aren avec des yeux de petit chiot. « Hey, it's fourteen for me, I know that. Stop to be a liar. » Le dernier mot de sa meilleure amie résonna dans sa tête. Un menteur, c'était bel et bien ce qu'il était alors qu'il était pourtant du genre à arborer pourtant les personnes qui mentaient. Soudainement et de façon inattendue, Aren sentit un vent de courage et lassitude monter en lui. Pourquoi avait-il menti déjà, pendant onze années de son existence ? Pour ne pas perdre son amitié avec Rena, vraiment ? Mais pour combien de temps allait-il encore devoir prétendre qu'il était gay et qu'il n'était pas amoureux de sa meilleure amie ? Le brun porta alors son attention sur les lèvres de Rena. Tandis qu'elle lui jetait un regard d’incompréhension, Aren embrassa sa meilleure amie. Un baiser rapide et fugace mais dont le brun sentait un soulagement immense. Après seulement quelques secondes, il le cessa lentement pour voir une Rena totalement ahurie devant son action. « What was that for Aren ? » Aren avala sa salive difficilement ne sachant quoi répondre. Sans même attendre sa réponse, sa meilleure amie attrapa ses affaires angoissée et s'enfuit vers la porte de sortie. « Wait, please Rena, wait! » Le brun se mit à courir à la suite de sa belle pour lui donner une explication. Alors qu'il arrivait en dehors du bowling, Rena avait déjà allumé le moteur de sa voiture et roulait le plus loin possible de son meilleur ami. « Damn it! » Dieu s'acharnait définitivement contre lui.